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Le Contrat d’Engagement Républicain : pour quel usage ?

 

L'actualité montre combien la liberté associative est fragile. Le Contrat d'Engagement Républicain, obligatoire pour toutes associations depuis janvier 2022, ne vide-t-il pas la loi 1901 de ses garanties ? L'ensemble du monde associatif le dénonce et Gilles Rouby, président du Collectif des Associations Citoyennes, est venu le 9 novembre, détailler le texte et ses enjeux.

Ci après l'enregistrement de la soirée et sa retranscription faite pour le CA par Monique Tilhou.

 

I. Pour qui, pour quoi ce nouveau texte ?

1. Depuis janvier 2022, signer le CER s’impose à TOUTES les associations 

correspondance audio = 5’42 à 8’27

a) obligatoire pour obtenir tout type de subvention – monétaire, prêt de locaux, prêt épisodique de matériel ...

b) sont également concernées les fédérations et les fondations qui n’ont besoin d’aucun financement mais d’un agrément – l’agrément donne les droits d’une personnalité morale et permet d’ester en justice. 

 

Présentation du texte en 4 mots :

  • anodin : d’apparence mais dans le détail du contenu ?

  • léonin : le roi impose son contrat aux autres (contrat déloyal)

  • ambigu : laisse place à plusieurs interprétations 

  • grave : il instaure de (petites) obligations qui, de fait, modifient en profondeur la loi 1901. 

Exemple d’une obligation toute simple : toute association signataire du CER doit le faire savoir à tous ses adhérents, par tous les moyens, sous peine d’être verbalisée. 

2. Or le monde associatif a opposé un front commun du REFUS (voir + ICI)

correspondances audio = 8’55 à 11’06

a) Quand le Contrat d’Engagement Républicain est paru, l’immense majorité de tous les réseaux associatifs se sont prononcés contre et ont demandé le retrait : le Mouvement Associatif (Voir + ICI)  (le plus puissant), France Générosité (Emmaüs, Médecins du Monde, Secours Populaire, Secours Catholique, etc.), le Collectif des Associations Citoyennes (voir + ICI), d’autres associations ou fédérations, petites ou internationales comme Greenpeace, etc.

b) Un communiqué (voir + ICI) a été publié, des articles ont paru dans Blast, Reporterre, ou autres médias libres mais pas dans les médias grand public : ce désaccord de fond reste méconnu du grand public.

 

3. Le CER découle de la loi Séparatisme (24 août 2021)

correspondance audio = 12’13 à 15’34

Le CER est l’article 12 de la ‘‘Loi confortant le respect des principes républicains’’, dite ‘‘loi Séparatisme’’. 

Le pouvoir affirme que l’État et les collectivités locale subventionnent nombre d’associations qui ont fait le projet de se séparer de la société : le Contrat d’Engagement Républicain est l’outil pour faire cesser cela. 

a) combien d’associations séparatistes recensées ? Le ministère ne sait pas répondre ...

b) flou de l’expression “associations qui font vœu de séparatisme”...

Peuvent se sentir concernées :

  • les mouvements indépendantistes de Nouvelle-Calédonie, Guadeloupe, Tahiti, etc.

  • d’autres mouvements comme les Frères Musulmans, des pratiques autour de l’intégrisme, …

  • certaines communautés juives parce qu’elles s’isolent dans des écoles ? Ou les athées ? etc. 

  • et aussi, pourquoi pas ? des mouvements écologistes puisque le Ministre les qualifie d’écoterroristes … 

 

II. La loi Séparatisme contre les libertés associatives

correspondance audio = 15’50 à 18’22

1. Mise sous contrôle et pouvoir de dissolution des associations accru

Avec ses 117 articles, cette loi Séparatisme d’août 2021 est une grande loi fourre-tout mêlant égalité homme-femme, école à domicile, réseaux du culte, neutralité des services publics, associations sportives, etc.

  • l’article 12 annonce que les associations seront sujettes à un Contrat d’Engagement Républicain : le décret établissant ce contrat est paru le 1er janvier 2022. 

  • l’article 15 donne un pouvoir accru pour la dissolution d’associations. Il est également à l’œuvre aujourd’hui. 

 

2. Or les associations relèvent du pouvoir d’agir citoyen instauré par la loi 1901

Notre vie quotidienne est traversée par les associations. Nombreuses et diverses, elles agissent dans tous les domaines de la société : éducation, loisirs, patrimoine, culture, défense des droits, logement, écologie, etc.

  • il y a aujourd’hui 1 800 000 associations : des grandes comme Greenpeace jusqu’au club de pétanque

  • il s’en crée 70 000 chaque année 

  • 23 millions de bénévoles adhèrent, viennent aux réunions, donnent un coup de main...

  • 13 millions de bénévoles sont particulièrement actifs (cf. les clubs de sport, le médico-social, ...)

  • 1 300 000 de salarié-e-s. 

 

III. Derrière les apparences, le contenu problématique du CER 

 

1. Les 7 principes républicains du contrat

correspondance audio = 18’33 à 20’04

Toutes nos associations s’inscrivent dans les principes républicains, excepté peut-être une centaine d’associations visées par ce contrat parce qu’elles font vœu de séparation. Or, au nom de la défense des valeurs de la République, c’est aux 1 800 000 associations qu’est imposé ce contrat en 7 points : 

Le respect des lois de la République

La liberté de conscience

La liberté des membres de l’association

L’égalité et la non-discrimination

La fraternité et la prévention de la violence

Le respect de la dignité des personnes humaines

Le respect des symboles de la République

Ces points semblent anodins et pourtant l’immense majorité des associations en France s’oppose à ce contrat.

Derrière les titres donnés aux principes républicains, quel est donc le contenu ? 

 

2. Devoir contrôler ses propres adhérents

correspondance audio = 20’22 à 21’52

Des points attirent l’attention par exemple l’article 5 sur ‘‘fraternité et prévention de la violence’’ :

‘‘Sont imputables à l’association ou à la fondation, les manquements commis par ses dirigeants, ses salariés, ses membres, ses bénévoles agissant en cette qualité ainsi que tout autre manquement commis par eux et directement liés aux activités de l’association dès lors que ces organes dirigeants de l’association, bien que informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient’’.

Cet article-là instaure pour un dirigeant d’association un devoir de police et de contrôle de ses adhérents : il est demandé aux associations d’être garantes du comportement républicain de leurs adhérents (voir + ICI). Les reproches peuvent être de tout ordre … l’affaire Alternatiba en est un exemple. 

 

3. Le projet associatif n’est plus reconnu

correspondance audio = 21’54 à 23’34

Une myriade d’associations environnementales mènent des luttes locales contre des méga-bassines, des projets inutiles de centres commerciaux sur terrains agricoles, etc. (cf. carte des luttes de Reporterre - voir + ICI). Les associations, c’est leur rôle dans la société, s’y opposent : elles ne sont pas forcément entendues, alors un terrain est occupé… faisant cela, elles se mettent en marge puisqu’elles s’opposent à des collectivités sur le territoire des terres agricoles.

Au moindre prétexte souvent fallacieux, une autorité peut dire ‘‘l’association fait quelque chose d’inacceptable’’, donc cette autorité contrevient au projet même de l’association qui est, par exemple, de sauvegarder un espace naturel comme une forêt. 

 

4. Ambiguïté sur la notion d’ordre public

correspondance audio : 23’45 à 25’50

a) ce texte exige d’une association le respect de l’ordre public. Qui définit ce qu’est l’ordre public ?  Est-ce à la seule autorité administrative de considérer qu’il y a trouble à l’ordre public ? Exemples : 

  • au Mans, des parents estimant injustifiée la fermeture de leur collège ont appelé à manifester dans la rue. Cette occupation (pacifique) d’espace public aurait pu être interdite par la préfecture : défendre son école au vu et au su de tous contrevient-il à l’ordre public ?

  • la loi autorise l’aide à une personne étrangère sans-papiers. Au Mans, depuis 2 mois, faute de solution alternative, une salle est occupée pour mettre à l’abri des familles sans-papiers. Les associations qui protègent les familles en les installant dans ce lieu, peuvent être poursuivies … pour trouble à l’ordre public. 

  • cas connus de tentatives d’application du CER au nom du respect de l’ordre public : à Poitiers, le préfet a demandé des poursuites contre Alternatiba (en septembre, atelier de désobéissance civile non-violente) et à Chalon-sur-Saône, le maire a voulu interdire le stand du Planning familial (voir + ICI)  (affiche de femme portant foulard).

 

b) l’occupation d’un espace public : l’expression citoyenne menacée

correspondance audio : 25’56 à 26’47

Une autorité administrative peut sanctionner une association qui organise un rassemblement.

Inciter à y participer est également contraire au CER signé. Le texte du Contrat d’Engagement Républicain dit que l’association cautionne l’occupation d’un espace public : que signifie cautionner en termes de loi ? Comment est-ce qu’un juge estime qu’on a cautionné l’occupation d’un espace public ? 

Cette ambiguïté sert à intimider. Exemple de cible possible : la MJC Ronceray du Mans qui a proposé les douches du club de sport pour les femmes et les enfants des sans-papiers hébergés dans une salle voisine. 

 

5. Notions de dignité humaine et de violence : une large interprétation possible

correspondance audio : 26’51 à 29’03

Un texte qui donne à l’autorité administrative un large pouvoir d’interprétation suscite des inquiétudes. Exemples :

 

a) l’exigence de respect de la dignité humaine est évidente à première lecture mais qu’appelle-t-on la dignité humaine dans la société occidentale ? Avons-nous tous, dans notre société, le même point de vue sur ce qu’est la fin de vie ou sur la question de l’avortement ? Cette notion de dignité humaine relève de ces termes imprécis qui doivent à un moment faire l’objet d’un arbitrage, devant un tribunal éventuellement. 

Le gouvernement dit : ‘‘mais on parle de l’excision’’. Mais comment un texte de loi peut anticiper toutes ses utilisations possibles ? Cette loi exigeant le respect de la dignité humaine sans autre précision, peut servir dans certaines municipalités – avec la montée de l’extrême droite, on peut être inquiet – à interdire, réprimer des associations qui défendent par exemple le droit à l’avortement ou l’accompagnement de fin de vie.

 

b) autre terme ambigu : le texte ne parle pas que de violence, mais aussi d’agissement. On peut être condamné pour des agissements : c’est quoi un agissement ? 

 

c) les associations environnementales, celles de défense des droits humains peuvent être inquiétées mais les associations culturelles ne sont pas à l’abri : respecter les symboles de la République est-ce s’interdire de jouer avec l’hymne national ? Rigolo pour certains, choquant pour d’autres. Écouter / faire écouter la Marseillaise de Gainsbourg est-ce enfreindre le texte? 

 

IV. Insécurité des associations face à l’administration

 

1. Pas de voies de recours indiquées pour contester une sanction

correspondance audio : 29’05 à 30’50

a) en termes juridiques, l’insécurité des associations est établie parce que la loi prévoit toujours :

  • la lisibilité de la règle

  • la prévisibilité de son application

  • l’existence de voies de recours.

Or le Contrat d’Engagement Républicain ne prévoit pas ces 3 points-là, notamment les voies de recours.

 

b) le Haut Conseil à la vie associative (HCVA) qui est la haute autorité française dans laquelle se débattent les questions relatives à la vie associative, écrit dans son Avis : “Le Contrat d’Engagement Républicain a confié à l’administration un pouvoir d’interprétation et de sanction très large, sans information claire, préalable et obligatoire, sur les voies de recours susceptibles d’être exercées par les associations et fondations mises en cause”.

 

c) privée du droit de recours judiciaire, une association sanctionnée est en péril 

  • une association dont le projet ne plaît pas, peut se voir retirer une subvention sans aucun préavis

  • les associations avec subvention annuelle versée en 2 fois sont fragiles. Exemple : après le versement de la 1e partie, le préfet ou un élu, sur la base d’un article de presse ou autre, demande l’application du CER avec retrait de financement. La 2e partie de la subvention qui peut représenter 50% sera bloquée avec des conséquences fatales immédiates vu la situation financière des associations.

 

2. Les associations désormais à la merci de la police administrative

correspondance audio : 31’01 à 32’28

a) le texte de loi du CER confie à l’autorité administrative des maires et des préfets, le pouvoir de sanctionner. Ce pouvoir ne relève plus de la justice et pour les associations, les conséquences du changement sont très graves.

 

b) dans le cadre d’un recours JUDICIAIRE, sont garantis : le principe de contradiction (un procédé contradictoire), le principe de proportionnalité de la peine, le principe de recours et le principe de non-rétroactivité.

Ces 4 principes-là ne sont pas respectés dans une gestion ADMINISTRATIVE 

  • seul le principe de non-rétroactivité est pris en compte 

  • aucune obligation de recourir à une procédure contradictoire : remplacée par une information aux associations

  • aucun recours prévu suspensif (jusqu’à cette loi, la mairie était obligée de verser la subvention tant que la 

justice ne s’était pas prononcée)

  • principe de proportionnalité : est-il juste de retirer la totalité d’une subvention? Est-ce que ça ne pourrait-pas être un tribunal qui le demande ? 

 

3. Se met en place l’instauration d’un contrôle des associations a priori

correspondance audio : 32’31 à 34’50

a) l’insécurité est portée au maximum car l’effet de la décision est brusque : on reçoit un courrier un jour. 

 

b) l’État organise l’établissement de cartes de surveillance, de contrôle. Le courrier du 10 octobre 2022 du Ministre Darmanin demandant à tous les préfets d’être vigilants a une retombée immédiate en Seine-Saint-Denis :

  • le préfet exige des collectivités locales de faire remonter obligatoirement TOUTES les demandes de financement émanant d’associations mixtes ayant signé le CER (ces associations exercent une activité culturelle mais dans un cadre cultuel. La loi 1905 interdisant à l’État de subventionner le culte, elles ont obligation de bien séparer le culte des animations susceptibles d’être subventionnées).

  • le préfet dit “nous, préfecture, on va faire un contrôle de toutes ces associations-là a priori”. Il y a des centaines et des centaines d’associations de ce type qui ne posent jamais aucun problème, qui ont toujours tout respecté : c’est pourquoi, jusqu’à présent, le contrôle de l’usage de l’argent public ne se faisait pas sur la demande de subvention mais a posteriori. En cas de doute, l’association devait s’expliquer. 

 

c) sont visées – la loi est utilisée pour cela – les écoles coraniques ou les écoles de langue dans lesquelles il pourrait avoir un enseignement du culte. Ça peut exister et la loi avait déjà les moyens de sanctionner ces écoles-là.

Mais là, d’un seul coup, sont mises sous surveillance toutes les associations même celles qui organisent des festivals culturels, des cours de calligraphie par exemple. 

 

V. L’État impose aux associations un acte d’allégeance

 

1. Un contrat léonin parce que unilatéral

correspondance audio : 35’45 à 36'37

^Ce texte se dit “Contrat d’Engagement Républicain” mais un contrat c’est fait pour engager 2 parties : vous allez faire cela, et nous, en échange, on va faire cela. Avec le CER, l’État vous demande d’appliquer quelque chose sans prendre aucun engagement. L’engagement souscrit est unilatéral. Et cela change tout. 

 

2. Exit l’engagement d’État de la loi 1901

correspondance audio : 36’40 à 38’12 

La loi 1901 est une loi républicaine qui mit fin à l’interdiction de s’associer datant de 1793.

La loi 1901 institue que pour créer une association, il suffit de 2 personnes s’associant pour répondre à un critère d’intérêt général ou particulier. Seule la non-lucrativité est imposée (ne pas partager de bénéfice). L’État s’engage à reconnaître l’association sans rien exiger d’autre.

  • la loi 1901 naît du grand débat du XIXe siècle – l’associationnisme – ouvert avec l’interdiction des associations par la loi Le Chapelier (1793) au nom du principe révolutionnaire de refus de tout intermédiaire entre intérêt général et intérêt particulier. De fait, l’association crée un intérêt intermédiaire, ce qu’on appelle un corps intermédiaire qui peut agir en son nom.

  • au XIXe siècle, pour défendre leurs intérêts – négocier le prix des denrées par exemple –, des travailleurs se constituaient en association pour établir un prix : ce prix pouvait s’opposer à l’intérêt supérieur de l’État ou à un intérêt particulier. Cette négociation sur les prix a amené le massacre des canuts à Lyon (les canuts se réunissaient pour négocier les prix et les salaires : avoir fait monter les prix de vente a été réprimé).

 

 

3. Exit la Charte d’Engagements Réciproques de 2014 

correspondance audio : 38’12 à 41’14

a) sur la base de la loi 1901, en incluant les collectivités locales, État et associations ont réfléchi à leurs relations pour aboutir, en 2014, à l’adoption de la Charte des Engagements Réciproques 

  • cette Charte lie l’ensemble du mouvement associatif, l’état et les associations d’élus – maires de France, Départements, Régions et maires ruraux, toutes y adhèrent

  • elle a été négociée : document coconstruit avec le mouvement associatif – et nous, CAC, avons participé aux négociations

  • dans son préambule, elle établit que les associations travaillent à respecter et faire partager les valeurs de la République (laïcité, etc.), en échange de quoi les collectivités s’engagent à donner les moyens aux associations, à les accueillir, à leur permettre de fonctionner, à donner des subventions monétaires.

 

b) la Charte aurait pu être améliorée : “on a un outil. Il n’était pas contraignant mais rien n’empêchait de retravailler la charte, y rappeler tous ces principes, y ajouter par la loi un contrat qui le rende contraignant’’. 

 

c) les associations éjectées : il était naturel, normal, de travailler ensemble et d’un seul coup, les associations se trouvent placées en dehors de cette sphère de confiance :

  • les moyens de réprimer les abus de certaines associations existent (la loi 1901 donne déjà des outils)

  • un besoin de subvention se justifie : un dossier déposé en mairie, les actions proposées détaillées, des engagements sont pris.

  • on dit que les associations ne rendent compte jamais de rien alors qu’elles sont multi-surveillées et leurs comptes regardés en permanence ! 

 

VI. Les principes à valeur constitutionnelle sont revisités 

 

1. Prosélytisme abusif contre liberté de conscience ?

correspondance audio : 41’15 à 42’16 

a) faire du prosélytisme, c’est-à-dire vouloir convaincre quelqu’un de la justesse de son point de vue et de le convaincre, est tout à fait légal. Le prosélytisme est reconnu par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : la liberté de conscience est la liberté de croire ou ne pas croire, d’essayer de convaincre l’autre. 

 

b) ciblant quelques associations cultuelles organisant peut-être des cours dans les quartiers, le CER condamne le prosélytisme abusif ! Encore une marge d’interprétation ! Et à chaque marge d’interprétation il y a un loup …

 

2. Rupture avec l’esprit de la loi 1901 désormais vidée de sa base contractuelle

correspondance audio 42’18 à 46’33

a) L’élaboration pendant des dizaines d’années de cette grande loi républicaine avait institué deux choses : 

  • la confiance dans les citoyens : au XIXe siècle une association demandait à l’État l’autorisation de se constituer. La loi 1901 mit fin à ce contrôle : une association est légale et peut agir sans autre formalité que de se déclarer.

  • la possibilité de se constituer en personnalité morale par exemple la capacité d’aller en justice, en avoir le droit en tant qu’association (si c’est le président qui agit, c’est au nom de l’association). 

 

b) avec le CER, l’État refuse de reconnaître la légitimité citoyenne à faire évoluer la société

  • la subvention et toutes les aides accordées à une association relèvent de la collecte de l’impôt

  • historiquement, les associations participent à l’intérêt général : de l’argent public est accordé par l’État pour développer cet intérêt général c’est-à-dire faire progresser la société, amener des réponses aux questions auxquelles l’État ne peut pas répondre (social, logement, handicap...) ou ne s’en donne pas la mission (créer des clubs multi-sports étatiques partout par exemple) 

  • la subvention correspond donc à la liberté pour l’association de mettre en œuvre des projets au bénéfice de l’intérêt général.

L’action associative bénéficie d’une énorme côte de popularité auprès de la population française, et pourtant l’autorité administrative peut désormais suspendre brutalement une subvention quand elle est en désaccord avec des citoyens associés sur un projet revendiqué : désormais, la loi lui donne le droit de définir unilatéralement l’intérêt général.

 

3. Le respect de l’ordre public opposé à la désobéissance civile non-violente

Une loi est faite pour servir : à Poitiers, la désobéissance civile, cœur du projet d’Alternatiba, pose problème !

 

Gravité de l’affaire Alternatiba (source 8)

correspondance audio : de 46’44 jusqu’à la fin de l’enregistrement

1. La désobéissance civile revendiquée partout aujourd’hui

  • septembre 2022 : l’association Alternatiba a obtenu de la ville de Poitiers le financement d’une journée en plein air avec des stands, des animations, etc. pour promouvoir l’écologie, la défense de l’environnement et tous les axes que développe Alternatiba qui s’affirme comme un mouvement non-violent pratiquant la désobéissance civile, à visage découvert et sans l’attaque des personnes

  • le Préfet de la Vienne a demandé l’annulation de la subvention en raison de l’atelier de découverte et formation à la désobéissance civile (la Mairie et la Métropole sont poursuivies en justice pour leur refus d'annuler)

  • de nombreuses associations environnementales utilisent ce procédé d’infraction qui attire l’attention pour faire passer un message. Exemple : dénoncer l’inaction climatique en jetant de la soupe sur un tableau – sur une vitre qui protège un tableau, à visage découvert. L’acte est assumé car il sert à interpeller : “qu’est-ce qui est le plus important, un tournesol dans un tableau ou le tournesol dans les champs ?”. 

 

2. La désobéissance civile est ancrée dans l’histoire internationale

  • la désobéissance civile c’est le moyen d’action de Gandhi, Luther King, etc. c’est ce qui a amené, en France, les lois sur l’avortement (Manifeste des 343). Quand Rosa Park s’assied dans un bus et s’installe à une place réservée aux Blancs, elle sait très bien qu’elle va être emprisonnée parce qu’elle commet un geste illégal mais ce qu’elle veut c’est marquer l’illégalité du geste afin d’obtenir un nouveau droit. 

  • le refus d’obéir n’est pas de la violence contre les personnes : Alternatiba dit : “ justement, on organise des formations pour bien différencier notre action de résistance”. Sans menacer aucune vie, José Bové démonte un MacDo et les militants de Greenpeace vont arraisonner des bateaux tueurs de baleines ou empêcher la pêche au thon industrielle qui racle les fonds des mers, détruit le corail et détruit la vie : ils encerclent ces gros bateaux avec de petits canots pneumatiques et leurs bombardes ont des flèches en plastique. 

  • ces actions-là disent quelque chose, elles parlent au monde entier parce qu’on a un acte. Et demain on va les réprimer en disant : “Vous soutenez des actes de résistance, d’occupation de territoire, des ZAD ...” ?

 

3. La désobéissance civile ne peut-être décrétée anti-républicaine

Il faut savoir que la notion de désobéissance civile est reconnue comme une notion à valeur constitutionnelle. C’est une forme de contestation qu’épouse la société civile quand elle s’oppose à une loi et qu’elle souhaite la voir évoluer. L’affaire Alternatiba 

  • confirme que le CER fragilise les principes républicains au lieu de les conforter

  • elle fortifie l’ensemble du mouvement associatif dans sa demande d’abrogation.

FIN

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